Oui, ici, en Tunisie, nous marchons sur nos têtes (Voir notre précédente chronique). Et celles-ci sont, pour la plupart d’entre elles, vides de tout et pleines de rien. C’est avec ces têtes-là que nous nous sommes retrouvés à la traîne, avec un Etat faible et dépassé, une économie en régression, devenue très fragile et précaire, et une société en train de s’effriter.
Pire, une société en train de s’entredéchirer en silence et de regarder, impuissante, survenir la faillite de l’institution de la famille et de toutes celles impliquées dans la socialisation. Nous sommes presque dans l’anti-société, et plus près du tribalisme ancien et moderne avec un monstre social appelé «rurbanité ».
C’est aussi avec ces mêmes têtes que le plus débutant des manipulateurs peut nous conduire comme un troupeau et que nous fonçons, toujours tête baissée (c’est le mot), vers les urnes pour choisir entre deux malheurs et même parfois entre deux flops. Populisme et niaiserie ont acquis, chez nous, leurs titres de noblesse.
L’analphabétisme, simple ou composé régnant, ainsi que l’inculture et la faiblesse inquiétante de l’esprit critique ont fait que notre pays devienne une nébuleuse d’individus s’agitant dans tous les sens, si bien sûr ils daignent bouger, sans repères et sans boussole. Un peuple qui baigne dans l’imposture depuis des décennies et qui n’a plus d’identité.
Des individus que nous avons qualifiés d’anti-citoyens, capables de toutes les goujateries, les félonies, les dépassements, les excès et les violences possibles et incapables même de préserver leur santé, de gérer rationnellement leur bourse et d’éduquer leurs enfants. Un peuple d’indisciplinés, d’hypocrites, d’opportunistes, de profiteurs, d’arrivistes et autres parasites.
Et dire que la majorité d’entre nous croient encore que nous sommes un peuple exceptionnel, servant de modèle pour une bonne partie des peuples de la terre et que le « génie tunisien» est capable de toutes les prouesses. Génie tunisien, oui, mais chez la crème de la crème, cracks qui hélas se retrouvent obligés de quitter le pays afin de ne pas craquer. Le vrai génie est quand il devient collectif.
C’est à la lumière de tout cela que notre pays est géré (le mot ne correspond pas à ce que nous mijotons) au pif sans le nif et que nous sommes encore dans l’ombre, que nous tournons en rond, pédalons dans la semoule, labourons la mer et faisons la sieste, en marge de l’Histoire.
Aujourd’hui, nous sommes à l’apogée de la gabegie, du non-sens, des contre-vérités et en plein dans l’absurde. Tout, ou presque, est devenu une mascarade, la politique en premier et l’Etat lui-même est devenu hors la loi. Pire, nous sommes en plein dans un écheveau juridique difficile à démêler. Il nous faut, ainsi, et coûte que coûte, mettre au grand jour la vérité sur tout ce qui s’est passé depuis 1955 et nous devons déclencher un nouveau processus de justice transitionnelle.
Tout cela doit nous pousser à nous mobiliser pour sauver notre pays et aucun salut ne pourrait être envisagé, sans l’adoption, dès aujourd’hui, d’un plan national de remise à niveau de la population dans tous les domaines vitaux et un second de lutte contre l’analphabétisme politique et économique de l’écrasante majorité du peuple, appelé à s’exprimer à travers les urnes sur des questions vitales.
Or, celui qui s’est emparé de toutes les commandes s’emploie, hélas, à mobiliser contre lui une bonne partie des forces politiques sociales et intellectuelles et à tout faire pour imposer ses propres plans au lieu de prendre l’avis des experts les plus compétents, les plus fiables et les plus honnêtes.
Pire, et au lieu de s’employer à trouver des solutions efficaces urgentes et pratiques afin de sauver le pays de la débâcle, ledit locataire semble totalement inconscient des dégâts qu’il est en train de causer au pays depuis son élection à la tête de l’Etat, devenant ainsi le plus grand danger pour ce dernier et pour son avenir.
Et dire que nos problèmes sont nombreux, complexes et de nécessitent l’implication de tous et un climat politique et social serein. Ils nécessitent l’existence d’un vrai dialogue et non une pseudo- consultation, et des comités aux membres parachutés pour pondre, en quelques jours, des projets d’une importance majeure et qui pourraient ne pas satisfaire les goûts du détenteur du pouvoir de fait, donc de nous faire subir ses propres choix.
Pour cela, il nous faudrait organiser le plus tôt possible des élections législatives et présidentielle, le pouvoir de fait, du 25 juillet 2021, doit, lui aussi, partir, car il a été un élément fondamental de la crise politique économique, sociale et morale qui s’est aggravée depuis début 2020.
L’ensemble des forces vives de la nation dûment représentées pourraient calmement tout revoir et concevevoir de nouvelles politiques publiques. Nous devons créer un nouveau pouvoir, celui de la planification stratégique, le Congrès national. Pouvoir exécutif et pouvoir législatif seront chargés, eux, de traduire les politiques que ce pouvoir aura mis au point en programmes et plans d’action.
Ladite institution sera, ainsi, chargée de tout remettre à l’ordre au niveau des grands choix du pays et des grandes réformes à entreprendre. Composée des représentants de tous les organismes nationaux élus, elle donnera au dialogue national une puissance délibératoire. Elle sera chargée aussi de proposer dans les plus brefs délais un plan de sauvetage du pays, l’économie en premier lieu.